Elles viennent, récurrentes, frapper à ma porte. Certains les nomeront fantasme, c'est un raccourci un peu cavalier mais après tout..pourquoi ne pas monter sur nos grands chevaux...C'est un face à face : moi et l'Autre. Je suis allongée, entravée, presque nue. Mon sexe offert au regard. Rien n'est dit mais je sais la raison de ma présence, de cette position presque chirurgicale...J'attends. J'attends que mon ventre s'ouvre, réclame..Et pour atteindre à cet abandon je sais sur tout ce qu'il me faut passer..la pudeur, la peur, l'humiliation, cette satanée non-confiance... Qu'il faut que je réinvestisse chacun de mes sens, que je les charge, que je leur donne vie individuelle...Que je relâche chacun de mes muscles à mesure que ma conscience s'aiguise..Et je sais que cela va prendre des heures...
L'Autre est là. Absence et présence à la fois. Il ne dit rien mais je sais qu'il sait. Cette transparence a le tranchant du Vrai. Il sait ce qu'il me faut abattre pour en arriver à Lui. Avec la précision d'un métronome il va et vient près de moi, constate l'abandon de mes chairs... J'aime l'idée de cette rythmique, de cette mathématique comptable.
...Tout comme j'aime à passer d'un rôle à l'autre. De Celle qui donne à Celle qui prend...C'est le même fil tendu.
...Tout comme j'aime l'idée de ce temps où je lutte sans faire un mouvement. Ce temps où j'observe l'Autre naître à sa propre peau.
Ce n'est pas la première fois que je viens flairer autour de cette idée de temps. Ce temps qui passe, cette chape qui tombe et crucifie soudainement les intentions mêmes que l'on s'escrime à passer sous silence... Ce temps que je regarde bien souvent comme Grand Inquisiteur est pourtant récurent de ma conception du Plaisir. Ce temps, antithèse du moi qui me lasse et me déprend toujours trop vite. Moi dont l'inconstance est l'une des rares données intangibles. Dont l'impatience, pathologie chronique, est une armure de plus derrière laquelle je me veux inaccessible, incapable de donner prix à quoi que ce soit de peur de la défaite trop connue. Ce temps qui montre toujours trop, qui dit, crie, revendique.... l'Attente, l'Envie, la Foi en soi, en l'Autre... Ce temps donné qui nous dévêt de tout orgueil et nous laisse alors fragile, plus fragile qu'un enfant. Qui dit de nous tout le besoin.
Ce temps pris aussi. Ce que donne l'Autre et qu'il faut accepter. Oser accepter... Le temps est d'une indécence inouïe. Qui met à mal l'humilité et assoit l'ambition sans nulle porte cochère où trouver un peu d'ombre. Alors oui, bien sur, ce temps m'est fantasme, ce temps m'est difficile, ce temps m'est quasi inaccessible... Ce temps est à apprivoiser, tout comme les regards qui le portent.
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